Anciens Musiciens du 15.1
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Billet d'humeur d'Hervé Brisse.

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Billet d'humeur d'Hervé Brisse. Empty Billet d'humeur d'Hervé Brisse.

Message  Admin Mer 16 Oct - 21:26

Hervé Brisse, tuba solo de l’Orchestre national de Lille, s’inquiète des conséquences des réductions de budget pour les instrumentistes à vent : réduction d’effectifs des formations militaires, postes non pourvus dans les orchestres symphoniques, situation précaire des harmonies…

Date de publication

08/10/2013

Comme une banale et récurrente évidence, en temps de crise, la culture doit souffrir ! Alors souffrons ! taillons dans les budgets des orchestres, des conservatoires, des associations, des festivals… les artistes s’en remettront ! Après tout, ne sont-ils pas de sympathiques saltimbanques dévoués corps et âme à leur art ? Entre autres effets dévastateurs pour l’édition musicale, la lutherie, l’enseignement, les publics… se rend-on compte que ces choix politiques, avec leur cascade de réformes précipitées, de restructurations empressées, de restrictions imposées, engendrent une véritable hécatombe pour les instrumentistes et plus particulièrement ceux de la famille des vents ? Il est d’ailleurs fort à craindre que l’onde de choc de ce désastre annoncé ne se propage irrémédiablement à un monde musical amateur déjà bien malmené.

Formations militaires : une disparition progressive ?

Aujourd’hui, quand on ne supprime pas les orchestres d’harmonie militaires ou des administrations, on en réduit fortement les effectifs ou on évoque d’hypothétiques et restrictives fusions : une vingtaine de postes ne sont toujours pas renouvelés à la Musique des Gardiens de la paix de Paris, trente à la Musique de la Police nationale, la Musique principale de l’Air a été récemment amputée du même nombre de musiciens, la Musique de la Flotte de Brest a entraîné dans son torpillage les Musiques de l’Air de Dijon et d’Aix-en-Provence ; ne manque plus que de toucher à notre vénérable Garde républicaine pour compléter le délabrement ! Alors, que dire de l’avenir des saxophonistes ou des tubistes, pour ne citer qu’eux, dont l’un des débouchés professionnels est l’orchestre d’harmonie ? Dans le pays d’adoption d’Adolphe Sax, doté d’une école des vents mondialement reconnue, n’est-ce pas paradoxal de voir disparaître progressivement ces ensembles professionnels ? Références pour les harmonies amateurs, outre leurs fonctions officielles, c’est oublier qu’elles ont toujours été garantes de l’excellence du répertoire de la musique française pour vents. Doit-on remiser à jamais les œuvres originales de Saint-Saëns à Boutry, de Berlioz à Dondeyne, de Tailleferre à Gotkovsky, Lancen, Messiaen, Massenet, Stravinsky… ? Est-il par ailleurs concevable que, dans le pays qui a initié cette grande tradition, il n’existe toujours pas d’orchestre d’harmonie “civil” professionnel alors que c’est le cas au Japon, en Allemagne, aux Etats-Unis… Au moins pourront-ils, eux, continuer à jouer notre musique dont ils sont friands…

Orchestres symphoniques : une situation alarmante

Dans le monde symphonique, la situation n’est pas moins alarmante. Des postes d’orchestre ne sont pas renouvelés, d’autres sont menacés. Voyez l’Orchestre des Pays-de-la-Loire qui n’a toujours pas reconduit ses deux emplois de tuba titulaire d’Angers et de Nantes, d’autres formations et non des moindres : Orchestre de Monte-Carlo et Ensemble intercontemporain, dont la succession du même tuba solo est incertaine. N’oublions pas celles qui n’en ont jamais été pourvus : Opéra de Lyon, Metz, Mulhouse, Nancy, Rouen… Mais rassurez-vous ! on ne supprimera pas pour autant du répertoire Wagner, Mahler, Strauss, Tchaïkovski, Prokofiev, Ravel, Verdi ou Berlioz sous prétexte qu’on n’a pas ou plus de tubiste sous la main, car le musicien supplémentaire, invité occasionnel, remplira au mieux son contrat. Sauf que l’emploi d’un musicien intermittent, qui “débarque” souvent sans expérience pour une série occasionnelle, n’est pas sans handicaps pour l’ensemble de la formation. Outre de déstabiliser la cohésion des pupitres permanents, c’est faire fi du son global de l’orchestre dont on devrait se rappeler qu’il doit reposer, comme tout édifice, sur de solides et pérennes fondations, en l’occurrence, le grave !
Dans ce climat d’avenir morose et plus qu’incertain où toutes les portes se ferment, à quoi bon laisser espérer un devenir professionnel aux jeunes instrumentistes, à commencer par les tubistes et les saxophonistes ? A quoi bon maintenir des classes dans l’enseignement spécialisé et l’enseignement supérieur ? Quid des pôles supérieurs et de leurs débouchés, au moins pour les vents ?

Harmonies, quelle place dans le paysage musical ?

En l’absence de positionnement artistique moderne, sans véritable objectif ou projet global de développement, sauf initiatives sporadiques, la situation des formations musicales amateur, surtout les harmonies, n’est pas plus brillante. Ce n’est pas l’esthétique d’écriture actuelle, notamment la prolifération de toutes ces pseudo-musiques de films, ni les concours d’orchestres d’harmonie tels qu’ils perdurent, encore moins les concours de composition, dont fort peu de formations sont capables de jouer les œuvres primées, qui semblent pouvoir maintenir, “rajeunir” le public ou entretenir l’engouement des musiciens. Que dire de l’interruption des sessions de l’Orchestre national d’harmonie des jeunes de la Confédération musicale de France ? Pourquoi les harmonies sont-elles si peu présentes sur les scènes nationales ? Qu’en est-il, malgré l’existence d’un diplôme d’Etat de direction d’orchestre et d’un diplôme d’aptitude à la direction des sociétés musicales, du statut des chefs d’harmonies sur le terrain ? Il est urgent de redéfinir la place de l’orchestre d’harmonie dans le paysage culturel du 21e siècle, son répertoire, son fonctionnement, son encadrement, les attentes des musiciens, des publics… Un vaste chantier que les organismes concernés devraient ouvrir prestissimo pour transmettre à la postérité des perspectives plus encourageantes qu’une possible fin au musée.

Les dinosaures ont disparu, mais leur destin paraissait inéluctable. Pour les instrumentistes d’aujourd’hui, il est plus que temps de réagir au risque de n’avoir bientôt plus comme horizon que le “cimetière des olifants”.

Hervé Brisse


Hervé Brisse est tuba solo à l’Orchestre national de Lille, professeur au conservatoire de Roubaix et directeur de l’Orchestre d’harmonie de Lille-Fives.

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